D'où proviennent les Londubat ?

par S. Hall, le 28/07/2001.

Je suis originaire de Lancashire, ce qui explique probablement pourquoi j’ai toujours eu une préférence pour Neville, qui, j’en suis sûr(e), vient de ma région (l’incident de la jetée de Blackpool, le fait que sa grand-mère est un modèle typique de matriarche de Lancashire, le fait qu’il porte un nom de famille traditionnel de Lancashire, et l’association quatre fois centenaire entre Lancashire et les sorcières).

Cela peut vous aider si je détaille (excusez-moi si j’en dis trop au lieu de pas assez – je ne sais pas dans quelle mesure vous connaissez la géographie britannique).

Il me semble vaguement que JKR a travaillé à Manchester pendant un temps pour la Chambre de Commerce, je pense donc qu’elle doit connaître relativement bien la région.

Les noms de famille en “-bottom” (Ndt : “Longbottom” étant “Londubat” en v.o.) sont typiques de l’est de Lancashire et de l’ouest du Yorkshire. Des prénoms légèrement démodés comme Algie et Enid sont typiques des lancastriens de la génération de ma mère (elle s’appelle Edna, mais nombre de ses amies avaient pour nom Enid).

Le Lancashire et le Yorkshire, deux des régions les plus au nord de l’Angleterre, sont regardées avec une certaine suspicion et certainement de la rivalité par le sud-est (Vernon Dursley par exemple mépriserait sûrement quelqu’un parlant avec un accent du nord). Le sud-est considère cette région comme un territoire recouvert de moulins de textile délabrés, peuplé de gens étranges portant des chapeaux plats et accompagnés de chiens terriers. En fait, la région possède quelques- uns des plus beaux paysages du pays, car la chaîne de montagnes Pennines (le squelette de l’Angleterre) la traverse de part en part, formant une frontière entre Lancastriens et Yorks, puis continuant jusqu’à la frontière écossaise. Un des rejetons à l’Ouest des Pennines se nomme la Pendle Hill, qui domine l’horizon du nord du Lancashire. Bien qu’il y ait un certain nombre de villes industrielles à proximité (Burnley, Nelson, Colne, etc.), la région se situe en pleine lande.  En 1612, Pendle devint un foyer renommé de sorcellerie quand un groupe d’environs vingt sorcières fut arrêté sur les ordres d’un certain Roger Nowell, Justice de Paix, et envoyées au château de Lancaster (à environ 15 km de là). Elles furent dûment condamnées pour divers crimes dont l’agression d’un colporteur (elles auraient déchaîné leurs esprits sur lui sous la forme d’un chien noir) et pendues. Un des témoins au service de l’accusation était Jennet Device, la petite soeur de neuf ans de l’une des accusées, et son témoignage permit de compromettre sa soeur, son frère et sa grand-mère (qui mourut en prison). Tout ceci fut consigné par un clerc du tribunal sous le nom de la “Tardive et merveilleuse découverte des sorcières dans le Comté de Lancaster”. Environ 20 ans plus tard se déroula un autre procès de sorcellerie (Jennet Device étant l’une des principales accusées), mais les sorcières furent acquittées. Les autochtones sont toujours très fiers de leurs relations avec la sorcellerie, puisque dans notre pub préféré, le Strawberry Duck, la bière traditionnelle s’appelle ‘Pendle Witches Brew” ou “Brevage des Sorcières de Pendle” (l’autre bière est le “Dark Assassin”, ou “Assassin des Ténèbres”, fabriquée dans la même brasserie). Je pense qu’il y a toujours une ou deux sorcières en activité dans le coin, et il y a certainement un magasin d’accessoires pour les sorcières à Barrow in Furness.

Blackpool (où Neville faillit se noyer) est une large côte extraordinairement poisseuse du Lancashire où les gens travaillant dans les villages meuniers du Lancashire venaient traditionnellement pour les vacances d’août ou juillet quand les moulins étaient fermés pour maintenance. De plus, nombre de ces villes ont instauré des trains de nuit faisant l’aller-retour jusqu’à Blackpool le vendredi soir (the Blackpool Belles ou the Blackpool Steamers). C’était l’endroit typique où les familles habitant dans la zone de Pendle allaient pour une journée.

Pour finir, les références de Neville à l’accoutrement de sa grand-mère sont le dernier élément probant. Cela m’a tellement rappelé ma propre grand-mère que je pourrais dessiner l’air pincé de sombre détermination qui va avec. La matriarche lancastrienne a beau avoir fait traverser à sa famille une ou plusieurs guerres, la grande crise, la pauvreté, la boisson, la malnutrition, le chômage, la mort d’un enfant et tout ce qu’on peut imaginer d’autre, elle continue d’avancer avec détermination.